mai 26, 2024

Traitement du paludisme : Le Kongo central expérimente la Chimioprévention

Depuis novembre 2023, les autorités sanitaires de la République Démocratique du Congo (RDC) ont lancé une campagne visant à fournir une chimioprévention du paludisme pérenne aux enfants âgés de dix semaines à vingt trois mois dans huit zones de santé du Kongo Central.  Cette activité s’inscrit dans le cadre de la lutte contre l’impact dévastateur du paludisme et de la réduction des inégalités d’accès aux services de santé pour les enfants vivant dans les zones pilotes d’intervention de Boko Kivulu, Kisantu, Kwilu-Ngongo et Mbanza-Ngungu.

Selon les autorités, ce projet a pour objectif de protéger efficacement les nourrissons et les enfants qui sont très vulnérables à la transmission du paludisme, du fait qu’ils n’ont pas encore développé l’immunité protectrice contre le parasite de cette maladie. Il s’agit de leur éviter le risque élevé d’hospitalisation et de mortalité au cours de deux premières années de leur vie.

Notons que la chimioprévention du paludisme consiste à administrer 6 doses de la Sulfadoxine-pyriméthamine aux enfants de 10 semaines, 14 semaines, 6 mois, 9 mois, 12 mois et 15 mois, conjointement avec les vaccins du programme élargi de vaccination (PEV), ainsi que de l’administration de routine de la vitamine A lors de la consultation préscolaire (CPS).

Pour déployer largement les médicaments antipaludiques dans les zones de santé pilotes, les autorités sanitaires ont, selon les directives de l’OMS, fourni la SP aux établissements de santé de ces zones pilotes visant à atteindre une cible annuelle de près de 28 000 enfants de moins de 24 mois en 2024.

Une initiative bien appréciée…

Il faut relever que cette initiative est bien accueillie par les professionnels de la santé. (…) “En tant qu’infirmière titulaire, je dois dire que j’apprécie beaucoup le bien-fondé de l’introduction de la chimioprévention du paludisme pérenne chez les enfants éligibles arrivant dans notre centre de santé, car cette intervention s’est révélée comme l’une des plus protectrices et plus efficaces possibles”, a déclaré Matondo Lutekayindulanga, gestionnaire du centre de santé d’Etat de Loma, à Mbanza-Ngungu. 

(…) “En comparant les données de décembre 2023 avec celles de janvier et de février 2024, nous avons vite remarqué une nette réduction de la morbidité et de la mortalité liées au paludisme chez les enfants de moins de 5 ans éligibles à l’administration de la CPP”, a-t-elle précisé, se basant sur le dossier de chaque enfant enregistré dans son centre depuis le lancement de ce programme.

Notons que, grâce au soutien de l’OMS, PATH, USAID, SANRU et d’autres partenaires, l’infirmière Matondo a suivi en novembre 2023, avec plus de 78 autres personnels de santé, la formation sur l’introduction de la CPP. Elle en a aussi appris davantage sur la façon de prendre en charge les enfants éligibles à cette chimioprévention, et de la manière de faire des rapports détaillés à ce sujet.

 La sensibilisation pour vaincre la réticence…

Pour relever les défis qui pouvaient être posés par la réticence dans les communautés à la suite de l’introduction de la CPP, Matondo loue le travail de sensibilisation réalisé par les équipes des comités de santé (CODESA) et des relais communautaires locaux qui ont pu partager des informations utiles à temps avec les parents et les soignants sur les avantages de la Sulfadoxine­-pyriméthamine. “Il n’y a pas eu de problème de résistance communautaire liée à la CPP. L’information a été communiquée par les CODESA, expliquant aux familles, essentiellement aux mamans comment elles allaient désormais trouver dans les centres de santé, un médicament pour renforcer la prévention contre le paludisme”, a-t-elle dit, ajoutant qu’il y avait une synergie plus forte dans l’adhésion de la communauté à la CPP.

Pour l’instant, alors que la mise en œuvre de la CPP gagne progressivement du terrain, des jeunes mamans comme Mantweli Nzau, reconnaissent la valeur ajoutée de ce médicament nouvellement introduit. “Mon premier enfant qui a actuellement plus de deux ans n’avait pas bénéficié de la CPP, mais Fastina, mon deuxième garçon qui vient tout juste d’avoir ses 10 semaines, est le tout premier à recevoir ce médicament antipaludique. Le personnel médical m’a expliqué les avantages de la SP. Je me sens vraiment rassurée”, a raconté la jeune femme de 26 ans.

“Ce que nous faisons ici, c’est de créer un sentiment de confiance dans les communautés et les familles sur la base de besoins réels de protéger les tout petits du paludisme”, a déclaré Matondo, forte de ses onze années de carrière dans ce centre de santé dont la majorité du personnel soignant et administratif est féminine (30 femmes et quatre hommes). “Ce n’est pas une imposition à la mode, mais cela est généré par les réalités du terrain”, a-t-elle ajouté, en souriant.

La RDC a enregistré 27 296 419 cas de paludisme dont 13 300 804 chez les enfants âgés de moins de 5 ans…

Les données les plus récentes issues du système de surveillance épidémiologique du Ministère de la Santé Publique, Hygiène et Prévention et du rapport annuel du PLNP de 2022 montrent que les enfants de moins de 5 ans représentent pratiquement 50% des cas de paludisme et plus ou moins 70% des décès dus à cette endémie en RDC. Selon ces données, la RDC a enregistré 27 296 419 cas de paludisme dont 13 300 804 chez les enfants âgés de moins de 5 ans (48,7%). De ces chiffres, 1 176 648 cas concernaient le paludisme grave. Les mêmes statistiques renseignent plus de 24 880 décès dus au paludisme à la période susmentionnée, parmi lesquels on trouve 16 921 enfants de moins de cinq ans (68%). 

“Ces sombres données soulignent la nécessité pour le gouvernement de la RDC et ses partenaires de travailler ensemble et d’intensifier la lutte contre le paludisme à travers le programme de l’introduction de la chimioprévention pérenne du paludisme, et très prochainement, du vaccin antipaludique, afin d’améliorer la santé des enfants de moins de 5 ans, en particulier dans un contexte de défis sanitaires complexes et émergents que connaît la RDC”, a déclaré le Dr Boureima Hama Sambo, Représentant de l’OMS. 

 “Les autorités de santé publique encouragent ces approches pertinentes qui permettent aux communautés et aux parents ayant des enfants de 10 semaines à 23 mois de commencer la CPP, et nous pensons que cette initiative sera à la fois efficace et un espace pour partager les expériences”, a indiqué le Dr Patrick Bahizi, point focal de paludisme au Bureau de Pays de l’OMS en RDC. 

A la fin du mois de février 2024, le programme de la chimioprévention du paludisme pérenne dans les quatre zones de santé pilotes avait atteint un total de 7 963 enfants éligibles depuis décembre 2023 (CPP1, CPP2 et CPP3). 

Le succès de cette initiative a renforcé l’engagement des autorités sanitaires de la RDC à poursuivre leurs efforts pour son intégration graduelle dans les activités de routine, avant son extension dans d’autres zones de santé ou d’autres provinces. Ce qui aidera, selon le Dr Bahizi, à “augmenter davantage l’immunité protectrice des enfants”, contribuant ainsi à ce qu’ils grandissent en meilleure santé.

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